«Conseiller des clients est un défi sans cesse renouvelé»

«Conseiller des clients est un défi sans cesse renouvelé»

Propos recueillis Par Flavia Giovannelli pour le journal “Entreprise Romande” du 4 juin 2021.
Photo par Fred Merz, Lundi13. 

Après avoir fait ses gammes dans des agences de communication connues à Genève, Elisabeth Tripod-Fatio a poursuivi sa carrière avec un passage à la promotion économique du canton, puis à la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation de l’Etat de Genève. Enfin, elle a fondé sa propre entreprise, de facto, il y a trois ans. Un rêve entretenu de longue date, dont elle se réjouit tous les jours, ayant trouvé une forme de liberté qui lui correspond.

Avez-vous hésité lorsque vous avez quitté l’Etat en 2017, alors que votre département avait le vent en poupe?

Non, même si certains ont pensé que je ne faisais pas forcément le bon choix. Je me suis investie dans des projets passionnants jusqu’au bout. Le jour où j’ai éteint mon ordinateur, je n’avais pas prospecté de nouveaux clients pour mon entreprise. Je suis vraiment partie de zéro, si ce n’est mon expérience plutôt solide et les liens que j’avais tissés depuis des années avec des personnalités qui se trouvaient elles-mêmes en place à des postes importants. Il était ainsi plus facile d’envisager de leur parler, puisqu’elles connaissaient mon travail. Mais je pourrais aussi vous répondre que, quand on est entrepreneur, on a peur tous les jours ou presque!

Vous vous êtes lancée dans le conseil et les relations publiques, un domaine déjà bien représenté sur la place genevoise.

L’important n’est pas la concurrence: chacun a son créneau. Je ne m’en préoccupe pas, il y a de la place pour tout le monde. Pour ma part, je mise sur les relations humaines, sur la connaissance du client, sur la compréhension de ses enjeux. La confiance doit s’instaurer, elle est indispensable et se gagne avec le temps. De plus, mes expériences m’ont donné une légitimité dans la commu- nication institutionnelle. Je suis capable de proposer une stratégie complète ou d’agir sur des demandes précises, tout en suivant des protocoles. Il faut un vrai savoir-faire. L’éthique, aussi, est très importante. En d’autres termes, cette profession ne s’improvise pas, même si elle n’est pas protégée.

Votre agence a-t-elle des domaines d’expertise particuliers ?
L’agence travaille sur une variété de sujets et avec des clients très divers, ce qui rend le quotidien particulièrement enrichissant. J’ai des mandats avec des associations professionnelles genevoises, avec des institutions de l’Etat ou avec des organisations non gouvernementales et des multinationales, et j’offre un service de rédaction professionnel tant en français qu’en anglais. Je propose de la réflexion stratégique, de la communication interne et externe «classique», du digital PR et des relations presse. Je pense avoir été l’une des premières, à Genève, à me spécialiser dans la communication de crise. J’ai développé un module à intégrer chez mes clients, qui se concentre sur la détection et la préparation en amont d’une crise, pour être prêt à communiquer si elle survient.

La survenue de la pandémie a-t- elle été une occasion de mettre ces notions en pratique ?
Je l’espère. En tout cas, j’imagine que chacun a saisi l’opportunité de mener une réflexion stratégique sur ses capacités à gérer les risques. Pour ma part, du jour au lendemain, j’ai perdu la moitié de mes clients, ceux qui voulaient tout arrêter, mais j’en ai gagné d’autres dans la foulée. Depuis, je n’ai jamais autant travaillé que l’an dernier. Je reste même persuadée qu’il faut toujours avoir un coup d’avance et je prépare la sortie de crise depuis le début de la pandémie. A mon avis, mieux vaut ne pas rester sur une position frileuse. Je pense que ceux qui ont su réagir et prendre des mesures seront plus forts pour affronter la suite.

Vous avez une cliente, l’Union Maraîchère de Genève, qui joue gros à l’occasion des prochaines votations. Comment se passe un accompagnement dans un tel cas ?

J’ai de la chance que cette cliente ait une ligne qui repose sur un positionnement clair et honnête. Avec les maraîchers, nous vérifions beaucoup les faits pour démêler le vrai du faux, car beaucoup d’idées fausses circulent. Il ne faut pas hésiter à répéter certaines vérités pour éviter un double «oui» fondé sur de mauvaises raisons.

Nous cherchons avant tout à transmettre le message qu’il est possible de manger sain et local grâce à des filières respectueuses de l’environnement. Un message qui a été très bien compris pendant la pandémie, alors que nous étions obligés de nous recentrer sur l’essentiel. En plus de réduire notre bilan carbone, cela génère des emplois pour la main-d’œuvre locale dans des conditions éthiques.

Comment vous voyez-vous évoluer ?

J’espère continuer de faire ce qui me plaît. En trois ans, de facto a une équipe qui compte désormais quatre collaborateurs (moi comprise). Je n’ai pas l’ambition de grandir davantage, avec le stress que cela engendre. Toutefois, j’ai des projets de vie complémentaires ou des causes qui me tiennent à cœur. Par exemple, celle de la place des femmes dans la vie professionnelle et la possibilité, pour elles, de mener une carrière égale à celle des hommes. 

Légitimité organisationnelle et relations publiques

L’environnement dans lequel naviguent les entreprises est de plus en plus incertain et compétitif. Les mouvements sociaux dictent l’opinion, les crises sanitaires et écologiques métamorphosent les sociétés, le culte de la transparence et de l’accessibilité force les organisations à adapter leurs pratiques et leur gestion. À l’heure où un simple tweet peut réduire à néant la réputation d’une organisation, ces dernières ont besoin de légitimité autant que d’efficience et d’efficacité. Dans ce contexte, les relations publiques peuvent aider les gestionnaires à bâtir et préserver ce capital.

L’importance de la légitimité en gestion occupe de plus en plus de place dans la littérature scientifique. Elle est généralement décrite comme étant “la perception selon laquelle les actions d’une entité sont souhaitables ou appropriées dans le cadre d’un système de normes et de valeurs” (Suchman, 1995). Plus simplement dit, une organisation peut être légitime à trois niveaux:

(1) Pragmatique : l’entreprise rend un service concret à ses clients,
« Le produit que propose cette entreprise est de qualité »
(2) Moral : l’entreprise respecte les normes et valeurs présentes dans son environnement,
« Cette entreprise semble respecter les règles du jeu »
(3) Cognitif : le degré d’institutionnalisation est tel qu’elle est prise pour acquise,
« Cette organisation a toujours été là, il est impossible d’imaginer qu’un jour elle disparaisse »

Les entreprises qui négligent leur légitimité prennent le risque d’être rapidement mises à l’écart, critiquées et sanctionnées. Elles ont l’obligation, non seulement de se conformer aux valeurs présentes dans leur environnement, mais également de les influencer. Les relations publiques occupent dès lors une place centrale dans toute stratégie de légitimité.

Bâtir sa légitimité

Les nouvelles entreprises ou nouveaux services ont la nécessité de construire rapidement ce capital. Il a été démontré que le simple respect des standards de la profession augmente significativement leurs chances de survie (Dimaggio & Powell, 1983 ; Ruef et Scott, 1998). Une organisation a tout intérêt à influencer son environnement afin qu’il lui soit favorable. Les relations publiques permettent d’atteindre cet objectif en proposant des stratégies de communication institutionnelle, d’affaires publiques, de rhétorique, de cadrage et de relations médias (Suddaby & Greenwood, 2005; Benford & Snow, 2000).

Maintenir sa légitimité

Une fois qu’une organisation a gagné sa légitimité, elle doit la conserver. Cela passe par la mise en avant de ses accomplissements, de ses innovations et de ses produits (Suddaby et al., 2017). Concrètement, il s’agit de l’envoi de communiqués de presse et de création de contenu institutionnel et digital rappelant au public quelle est l’utilité pragmatique de l’entreprise, sa conformité morale tout en continuant à occuper le paysage institutionnel.

A ce stade, une organisation a intérêt à anticiper les changements et à appréhender les menaces en mettant en place le plus tôt possible un processus de gestion de crise. Beaucoup d’entreprises négligent cette étape alors qu’elle est sans doute la plus importante. Toute organisation finit par affronter une crise de légitimité et il est important de s’être suffisamment préparé en amont pour y faire face. Les cabinets de relations publiques proposent des stratégies de communication de crise qui comprennent audit, formation et rédactions et qui permettent d’éviter et de minimiser l’impact d’une crise sur la légitimité et sur la réputation.

 Retrouver sa légitimité

Une entreprise peut se retrouver dans la situation périlleuse de devoir regagner sa légitimité. Cette perte peut être le résultat d’une crise organisationnelle mal gérée, mais elle découle souvent d’un manque de compréhension de son environnement institutionnel. L’émergence d’internet et des réseaux sociaux a accéléré la vitesse des changements sociétaux. Des pratiques qui mettaient jadis des siècles à évoluer perdent aujourd’hui leur légitimité en quelques semaines. Comment KFC doit réagir face à l’émergence du mouvement vegan ? Comment les organisations doivent-elles se positionner par rapport au mouvement #metoo et aux exigences RSE ? Les entreprises n’ont plus le luxe de laisser ces questions de côté.

Bâtir, maintenir ou retrouver sa légitimité est un travail de longue haleine qui nécessite l’établissement d’un dialogue entre l’institution et son environnement. Dans ce contexte, les cabinets de relations publiques deviennent des partenaires privilégiés capables d’accompagner et d’aider les organisations à construire et préserver la relation de confiance qui les lie à leur marché.

 Hugo Marchand

 

Benford, R., & Snow, D. (2000). Framing Processes and Social Movements: An Overview and Assessment. Annual Review of Sociology, 26, 611-639. doi:10.1146/annurev.soc.26.1.611

Dimaggio, P., & Powell, W. (1983). The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and Collective Rationality in Organizational Fields. American Sociological Review, 23.

 Suchman, M. (1995). Managing Legitimacy: Strategic and Institutional Approaches. Academy of Management Review, 20, 571-611. The Academy of Management Review, 20, 571. doi:10.2307/258788

Suddaby, R., & Greenwood, R. (2005). Rhetorical Strategies of Legitimacy. Administrative Science Quarterly, 50(1), 35-67.

Suddaby, R., Bitektine, A., & Haack, P. (2017). Legitimacy. Academy of Management Annals, 11(1).

Ruef, M., & Scott, W. R. (1998). A multidimensional model of organizational legitimacy: Hospital survival in changing institutional environments. Administrative Science Quarterly, 43(4), 877-904.

Qu’est-ce que les relations publiques ? Décryptage…

Qu’est-ce que les relations publiques ? Décryptage…

A la tête d’une agence de relations publiques, il m’est toujours difficile d’expliquer en termes clairs quels sont les contours du métier.

La profession est méconnue et évoque encore, dans l’esprit de certains, le réseautage lors de cocktails mondains… vision éculée très 20e siècle de la profession où le responsable des relations publiques papillonnait tout en soignant son carnet d’adresses. D’autres pensent, à tort, que le travail RP consiste à commander des articles à des journalistes ou à acheter de l’espace média pour une campagne publicitaire. Le métier est tout autre, décryptage !

Comment définir les relations publiques ?

La Public Relations Society of America PRSA propose la définition suivante : « Les relations publiques sont un processus de communication stratégique qui établit des relations mutuellement bénéfiques entre les organisations et leurs publics ou parties prenantes ». Elles remplissent un devoir essentiel d’information au regard de la société. Leur importance va certainement s’intensifier au cours des prochaines années.

La définition proposée soulève deux aspects majeurs :

  1. Les relations sont mutuellement bénéfiques, personne n’est trompé et chaque parti en sort gagnant.
  2. Les relations publiques s’inscrivent au sein d’une stratégie d’entreprise. Elles ne sont pas le fruit du hasard et sont déployées par les dirigeants dans la poursuite d’un objectif spécifique.

Les relations publiques représentent un pan de la communication : promotion d’un produit, nomination d’une personne, valorisation d’une idée, désignation d’une valeur, transformation durable ou numérique… Contrairement à la publicité (paid content), les RP sont basées sur des méthodes de communication non-monétisées (earned content) qui ne sont pas « gagnées d’avance », et s’inscrivent dans une notion de dialogue. Un véritable travail de persuasion.

Qu’il s’agisse de médias traditionnels, de réseaux sociaux, de conférences, de publications, d’études, de prises de position ou d’opinions, nous communiquons par l’intermédiaire de sources fiables et transparentes, en accord avec une pratique éthique exigeante, base de toute relation.

L’information n’est donc pas entièrement « sous contrôle ». Elle passe par l’expertise d’un tiers : journaliste, conférencier, chercheur, leader d’opinion, partenaire… jusqu’à trouver sa place dans l’opinion publique. Une fois approuvée par ce public d’experts, elle n’en a que plus de valeur.

Le métier requiert de l’écoute, un travail relationnel personnel, une attention portée à l’interlocuteur, de la franchise et de la transparence ainsi qu’une adéquation entre action et communication, loin des phrases et concepts vides de sens qui peuvent s’avérer le plus souvent contreproductives.

De même que la médecine est garante de la santé et le droit de l’ordre, le but de la communication et des relations publiques sont de veiller à maintenir la confiance et la compréhension mutuelle et de contribuer ainsi à l’essor de la société. En cette période de crise de confiance envers les dirigeants politiques et économiques et à l’heure où les fakes news et autres manipulations en tout genre pullulent, la communication est plus importante que jamais afin de créer à long terme une image positive de la société et d’établir un climat de confiance.

Elisabeth Tripod-Fatio